mardi 6 juillet 2010

banque et populaire à la fois
















il n'y a pas si longtemps, l'ump a sorti un hilarant lipdub, dans lequel une ribambelle de ministres et de sous-fifres médiatiques chantaient leur détermination à changer le monde, entourés de jeunes de droite tellement bien sous tous rapports - et la caméra insistait lourdement sur ce point - qu'ils voyageaient en seconde classe malgré un pouvoir d'achat visiblement au-dessus de la moyenne. de prime abord, je n'avais pu m'empêcher de penser qu'étant au pouvoir (et donc théoriquement payés pour gérer le pays), ces gens auraient au moins pu avoir le bon goût de changer le monde sans nous imposer cette horreur, mais je dois avouer que ça m'avait finalement pas mal diverti. ce clip est une telle succession de moments de bravoure que l'incrédulité qu'il suscite parvient presque à occulter une question fondamentale : comment tous ces gens, bardés de conseillers onéreux, occupant des postes importants, ayant fait de longues études, et dont le métier, la politique, consiste d'abord à soigner son image publique, ont-il pu, comme un seul homme, imaginer un seul instant qu'il se trouverait quelqu'un pour trouver ça bien ?

ça commence très fort avec une phrase d'introduction dont la formulation grotesque masquerait presque le message désespéré ("le pire risque, c'est celui de ne pas en prendre", en gros, on est tellement dans la merde que faire n'importe quoi sera toujours mieux que ne rien faire du tout). le ton est donné : les intellectuels sont de sortie. ensuite, les choses vont crescendo. éric besson arbore fièrement un t-shirt ump en regardant la caméra droit dans les yeux. un "jeune populaire" (à ne pas confondre avec les "jeunes tout court" dont on entend par ailleurs parler dans les médias) brandit un marteau pour démontrer qu'on peut être ouvrier et de droite, et au passage justifier son épithète. david douillet pose entouré d'une colonie de jeunes étudiantes versaillaises en mode trop cool (t-shirts moches et pas de port du serre-tête ostentatoire), avec un type en maillot de l'équipe de france (quel veau, s'il avait su !). après, c'est encore plus rigolo : des jeunes font une sorte de chenille, tenant pour l'un une fleur en papier, pour l'autre un numéro de l'express (dont la couverture sur la mort de michael jackson doit contenir un subtil message politique qui m'échappe complètement, j'avoue), et pour le troisième un saxophone gonflable violet. on croit avoir touché le fond avec ce plan d'un plateau de scrabble sur lequel sont placés les mots "jeunes populaires yallah" (j'ai pas le courage de compter combien de points ça fait), mais le véritable coup de grâce est porté par le consternant jeu de mots final, "devenez populaire, rejoignez le mouvement" - qui, il faut le reconnaître, a au moins l'élégance de ne pas bêtement tutoyer le pauvre hère qui a eu l'idée saugrenue de subir tout ça jusqu'au bout.

le pire, c'est que le plus marrant dans tout ça n'est pas la vidéo en elle-même. non. ce qui m'a le plus fait rire, c'est le commentaire qui l'accompagne sur dailymotion, que je viens de découvrir et que je ne pouvais m'empêcher de vous copier ici. ce délicat mariage de langue de bois, de clichés éhontés, d'optimisme béat, d'une abyssale bêtise, et d'une vraie et touchante conviction que tout ceci est une bonne idée, à peine tempéré par cette étrange phrase défensive, "le projet a vocation à faire comprendre qu'il n'est nullement question de remettre en cause les libertés individuelles" (comme si cette crainte nous avait effleuré l'esprit), le tout dans un style pataud et laborieux, est un délice à côté duquel personne ne devrait passer. quel dommage que la splendide phrase de conclusion soit ternie par une si minable faute d'accord.

Aucun commentaire: